Peu d’écrivains auront aussi bien et aussi largement embrassé la première partie du XXe siècle que Drieu la Rochelle (1893 – 1945). Toute son œuvre reste marquée par son expérience du front lors de la première guerre mondiale (qu’il relatera magistralement dans les nouvelles de la Comédie de Charleroi (1934)), où, encore tout jeune homme, il est blessé plusieurs fois. Ses engagements politiques aussi radicaux que mouvants éclipsent souvent son œuvre d’écrivain, pourtant singulièrement riche et profonde, où la complaisance et la haine de soi oscillent dans des saillies d’un style et d’une intelligence certains. Avant tout témoin brillant de la bourgeoisie de l’entre deux guerres, de ses fastes et de ses déchéances (Blèche (1928), Le Feu Follet (1931) ou encore Rêveuse Bourgeoisie (1937)), chroniqueur et essayiste politique, son œuvre évolue vers des sujets plus vastes et ambitieux où il met toujours une grande part de lui-même, comme la fresque de l’entre-deux guerres français qu’est Gilles (1939) ou les Mémoires de Dirk Raspe (1966), son chef d’œuvre romanesque, posthume et inachevé, inspiré de la vie de Van Gogh, remarquable par sa finesse. Drieu a toujours été tenté par le suicide, (tentation qu’il fera remonter à ses sept ans dans Récit secret (1952), confession posthume d’une sincérité et d’une dureté désarmantes), un thème qu’il n’aura cessé de traiter tout le long de son œuvre. Il finit par se donner la mort en 1945.